Les projecteurs s'éteignirent après que le chef de l'équipe ait crié de couper. Le clip était bouclé sur cette dernière scène et tous pouvaient rentrer chez eux après avoir ranger le matériel. Le jeune chanteur pour qui le clip avait été tourné se rendait désormais à sa loge pour se changer, et partir du studio, reprendre ses occupations autres. Une fois débarrassé de ses accessoires, Luze s'assit devant la maquilleuse et attendit qu'on le démaquille. Il aurait pu le faire lui-même bien sûr, mais il était d'une flemme ce jour-là. Il avait besoin de sentir que les autres étaient présents, et que tout n'était pas qu'un simple rêve. La femme lui retira tout le bleu sur ses yeux et ses lèvres, et le laissa se débarbouiller tout seul, puis sortit de la salle. L'adolescent âgé de dix sept ans était maintenant seul dans sa loge, et son reflet en face de lui le fascina. Pas qu'il soit narcissique, mais le simple fait de se voir faisait remonter en lui de nombreux souvenirs. Il glissa une main dans ses cheveux courts en observant les quelques mèches violettes qui le rapprochait d'une personne.

Cela fait maintenant dix sept ans que je suis né, dix sept ans que je me cherche sans me trouver, dix sept ans que j'ai pris la vie de ma mère en naissant, dix sept ans que je suis près de mon frère, dix sept ans que je suis touché par le péché de la luxure.

Effectivement, ce jour-là, il avait précisément dix sept ans. Le soleil était chaud en cette saison, et cette date où il y avait marqué deux choses différentes sur le calendrier : 10 août Anniversaire de Luze, Anniversaire de la mort de leur mère. Un jour fraichement joyeux. Il aurait voulu ne pas venir ici, rester cloîtré dans sa chambre et n'en sortir que pour ses besoins d'humains. Mais Luze avait du travail et ne pouvait le laisser de côté juste pour ça. C'était un énorme poids sur ses épaules, une chose qu'il dissimulait plutôt bien. Il n'y avait qu'une seule et unique fois qu'il avait montré ses larmes à son grand-frère adoré, le jour de la mort de leur père. Ce dernier ne les appréciait pas et s'était noyé dans ses propres larmes. Tout aurait été bien s'il n'était pas né, sa chère mère serait encore de ce monde, et Naoki vivrait heureux dans une famille chaleureuse. Mais il était venu au monde, et avait tout brisé. Cette magnifique femme qu'il n'avait vu que sur des photos s'en était allée aux cieux, et au final leur géniteur ne tarda pas à les rejoindre, trois ans après sa naissance. C'était tôt, très tôt, trop tôt pour un enfant aussi petit que lui. Il n'avait pas eu le temps de connaître cet homme car il s'était plongé dans son travail avant de mourir suite à un cancer, du moins à ce qu'on lui avait dit. Après tout, Luze n'avait que trois ans.

Heureusement que monsieur Tanaka était là pour nous, sans lui nous aurions certainement été à la rue et aujourd'hui plus de ce monde.. Mais je pense que si j'avais rendu l'âme, cela aurait été plus facile pour Naoki.. Mais il aurait été bien trop triste, et ça m'aurait été insupportable !

Cet homme était le majordome de leur mère, et il s'est gentiment occupé des deux enfants, orphelins. Et cela jusqu'à ce que Naoki soit en âge de reprendre sa vie en main seul, et de prendre Luze sous son aile. Mais attendant que cela soit possible, chacun menait sa petite vie de son côté, en dehors de la maison. Luze a toujours été très proche de son frère, et il le remerciait de toujours accepter sa présence à ses côtés. S'il n'avait pas été là, le jeune garçon serait tombé dans une profonde dépression et n'en serait sans doute jamais sorti. Puis il a trouvé quelque chose qui le suivra tout le long de sa vie : la musique. Un art si beau dans lequel il se trouvait entièrement. Un art qu'il souhaitait apprendre, exploiter à sa façon, et enfin se sentir entier. Il se découvrit cette passion par un camarade de classe qui jouait du piano et qui l'avait invité à l'un de ses concerts pour junior. Luze n'avait alors que sept petites années. A la seconde même où il avait entendu les premières notes se jouer sous ses yeux éteints et vides, il fut totalement subjugué, fasciné, totalement et irrémédiablement sous le charme de l'instrument, des notes de musique qui s'élevaient dans l'immense salle. Ce jour-là, lorsqu'il fut rentré chez lui, il supplia le majordome pour avoir des cours de piano. Sachant qu'ils étaient plus ou moins riches, cela lui fit rapidement possible et il fut comblé. Jamais Tanaka n'aurait pu refuser une telle chose, car pour la première fois de sa vie, Luze demandait quelque chose, suppliait même ! Et aujourd'hui, il était heureux.

Après sept années de vide complet, je me suis trouvé par le plus grand des hasards. Ce fut la période la plus heureuse de ma vie, mais bien sûr, il a fallut que cela ne me suffise plus. J'avais besoin de plus que ça, beaucoup plus.

Le piano a été le seul instrument pendant quatre années. Ensuite, il a voulu élargir ses connaissances et ses capacités. Et il a commencé à accumuler les cours. Piano, guitare, violon, certainement qu'à cordes au final. Ce qu'il préférait. Lorsqu'il a jugé en avoir assez appris, qu'il voulait avoir les choses par lui-même, il a arrêté, un à un, les cours de musique qu'il prenait. Puis soudainement, il a voulu autre chose. Il se l'est découvert après avoir passé une nuit des plus étranges, des plus.. Torride en fait, avec son grand frère. Bien que ce ne soit pas dans ses intentions au départ, après tout, jamais l'idée de faire ce genre de chose ne lui était venu puisqu'il était complètement noyé dans sa musique. Mais ce soir là, tout avait été différent. Naoki et Luze avait dormi ensemble, sans que cela ne soit étrange au départ, ils le faisaient souvent lorsqu'ils étaient enfants, pourquoi pas maintenant encore ? Sûrement parce qu'ils étaient plus grands maintenant. Luze venait d'avoir quinze ans. Et cette nuit là, alors que la pluie s'abattait contre la vitre, que les éclairs éclairaient un tant soit peu la chambre, il perdit sa virginité, mais ce fut avec plaisir qu'il l'a céda à son frère. Il était tout pour lui en même temps, et ils étaient touché par le péché de la luxure, ce genre de chose devait arriver un jour ou l'autre. Ce fut la première fois que son corps fut touché, et cela lui avait énormément plu. Mais cela lui avait donné de l'inspiration, aussi bizarre que cela puisse paraître. Le jour suivant cette toute nouvelle expérience de la vie, l'envie d'utiliser sa voix comme instrument lui vint, tout naturellement.

C'est à partir de ce jour que j'ai tout donné pour faire vendre ma voix, que tous l'entende, et qu'enfin, je trouve la partie qui me manque.Je veux entendre les autres m'acclamer parce qu'ils aiment ce que je fais. Je veux.. Je veux.. ! Tellement de choses tout à coup que ma tête tourne, c'était une première pour moi.. Mais une première que je n'allais absolument pas regretter.

En même temps de chercher un moyen de se rendre célèbre, avec l'aide de sa richesse et de la réputation de sa famille, Luze commença à prendre de nouveaux cours tout à fait différent de ce qu'il avait fait les années précédentes. Maintenant, c'était au tour du théâtre, car selon lui, la base d'un chanteur c'était transmettre ses sentiments dans ses chansons, mais dans les clips, il fallait bien mettre en avant chacune de ses émotions, et de par ce fait, il devait avoir un jeu d'acteur parfait pour toucher son public. Cependant, le jeune japonais débuta une période luxurienne - oui j'invente des mots. Maintenant qu'il y avait goûté, il en voulait encore, mais il savait que son frère ne voulait pas recommencer, même s'il lui aurait été facile de le faire céder. Alors il alla voir ici et là, et le faisait n'importe où tant qu'il pouvait s'amuser. Cela faisait également parti de lui, alors c'était normal de le faire. Que ce soit mal vu ou pas. La seule chose qui l'intéressait, c'était pouvoir être entier. Qu'il devienne la fille facile du coin - bien que ce soit un garçon - ne le dérangeait pas plus que ça, puisqu'après tout il savait parfaitement ce qu'il faisait, et s'il voulait arrêter, il savait aussi quoi faire ! Dans l'histoire, qui manipulait qui en réalité ?
Puis il réussit. Le jeune homme âgé de seize ans faisait son entrée dans le monde du spectacle. Il était prodigieux et répondait à chacune des attentes des personnes qui travaillaient avec lui. Le pure bonheur. Effectivement, il put enfin s'épanouir entièrement grâce à cela, mais gardait une grande part de neutralité qu'il ne montrait pas au studio, ni à ses fans. Juste au lycée en fait. Mais dès qu'il rentrait chez lui, qu'il retournait auprès de son grand-frère, son visage s'illuminait et ses émotions ressortaient enfin. Son joli minois ressemblait à celui d'un ange..

Enfin, à ce que l'on m'en dit ! Mais sachant que j'arrive à reproduire cette expression à la caméra juste en pensant à lui, et qu'elle plait énormément, je me dis que c'est la vérité..

Luze ferma les yeux sur un sourire plus ou moins heureux. Son simple reflet lui rappelait sa vie entière, c'était pour dire. Mais il n'avait plus le temps d'y penser qu'on entra dans sa loge après avoir frappé trois coups à la porte. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas donné signe de vie, totalement plongé dans ses souvenirs. Assimilé ce jour à son reflet donnait cela.

« Natsume-san, vous avez terminé ?

- Ah, veuillez m'excuser, je n'en ai plus pour longtemps. »

Il se leva de sa chaise lorsque la personne disparu de la pièce, et alla se changer pour revêtir des vêtements normaux, délaissant son costume. Il le reverrait à la sortie du clip ! Il faisait assez chaud en ce dix août, alors il ne prit qu'un t-shirt sous une veste légère, mais ne put s'empêcher de prendre son écharpe avec lui. C'en était presque ridicule, mais elle faisait aussi partie de lui, d'une certaine manière. Le bleuté attrapa sa besace et sortit de la loge, ainsi que du studio après avoir salué tout le personnel. L'air doux de l'extérieur lui fit plaisir, mais il voulait vite le revoir, alors il rentra directement chez lui, presque avec précipitation. Il lui manquait déjà, alors qu'il l'avait vu le matin même. Arrivé devant sa porte, il reprit son souffle, et ouvrit la porte calmement. Il fut accueillit gaiement par des pétards en tout genre et fut ensevelis sous des confettis et autres. Assez surpris, il regarda son frère qui se tenait juste devant lui avec un énorme sourire qui lui arrivait presque aux oreilles.

« Joyeux anniversaire, Luze ! »

Il n'y avait rien d'autre qui puisse me faire plaisir d'avantage que d'entendre mon frère, Naoki, me dire ça aussi sincèrement. Et encore une fois, il eut droit à mon sourire tout aussi sincère que le sien, et mes joues rosies par la joie.