Noir.. Tout est noir. Sombre. Ténébreux. Sans la moindre lumière. Aucun point de chaleur. Juste le froid et les ténèbres. Je ne sais pas où je suis, comment j'ai fait pour atterrir ici. Je ne me souviens de rien. Qui suis-je ? Je me met à marcher dans ce vaste désert de ténèbres. N'y tenant plus, je cours, cherchant frénétiquement la sortie de cet endroit si effrayant. Mais peu importe combien de temps je cours, la distance que je parcoure, il n'y a pas d'échappatoire. Abattu par cette révélation soudaine, je me laisse tomber au sol, les bras ballants. Je pense avoir compris. C'est la seule explication plausible : je suis mort. A cette pensée, un rire nerveux m'échappa, alors que je me prenais la tête entre les mains. Ce serait donc ça, mourir ? Errer pour l'éternité dans le néant absolu ?
Pour me contredire, une petite lueur m’apparus plus loin, et elle sembla se rapprocher de moi, petit à petit, en grossissant considérablement. Il me semblait également entendre un son. C'était en premier lieu un peu confus et trop faible pour que j'y comprenne quoique ce soit, mais se rapprochant, le son me fut plus distinct et je compris qu'il s'agissait d'une voix. Elle m’appelait, j'en étais persuadé. Je me relevais, les poings serrés, et m'avançais vers ce point de lumière. Plus la distance était écourtée, plus j'étais ébloui mais peu m'importait tant que je l'atteignais. Une fois assez proche pour l'atteindre, je tendis la main vers la lumière aveuglante et une autre main en sortit soudainement et m'attrapa pour m'emmener avec elle.

Je me redressais tout d'un coup en prenant une énorme inspiration, comme si l'air m'avait manqué depuis un moment, puis respirais plus calmement pour permettre à mon cœur de reprendre un rythme normal à la place de tambouriner contre ma poitrine ce qui avait le désavantage de me faire souffrir. Je récupérais peu à peu la vue et pus constater avec effarement l'étendu des dégâts occasionnés autour de moi. L'herbe sous moi normalement d'un beau vert à cette époque de l'année était maculée de rouge, il en allait de même pour mes vêtements. Cette couleur si importante, d'où provenait-elle donc ? Il ne me fallut qu'un regard sur ma droite pour comprendre. Pour tout comprendre. Ainsi que me souvenir. De moi. De toi. De lui. De tout.
Pour quelle obscure raison étais-tu donc allongé à mes côtés sans que ton torse ne se soulève pour me montrer que tu respires ? Tes yeux, même fermés, témoignaient de tes larmes récemment versées, et en quantité. Ta peau habituellement un peu mate était si blanche et lorsque je posai ma main sur ta joue, je frissonnais, de froid. Pourquoi as-tu donné ta vie pour me sauver ? Une première larme roula sur ma joue mais peu m'importait. Il avait raison, ton frère avait raison, j'aurais du m'éloigner de toi au plus vite avant que l'on ne commette l'irréparable. Mais aucun de nous deux n'a suivit son conseil et nous n'avons fait qu'écouter nos cœurs. Lorsqu'il a remarqué que nous étions bien plus proche qu'avant, il a décidé d'en finir avec moi.

Tu n'aurais pas du voir ça. Tu n'aurais pas du être là à ce moment-là. Ainsi, la seule victime, ça aurait été moi. Mais à la place, il y a trois victimes. Ton frère gît plus loin baignant dans son propre sang. Vous vous êtes battu par ma faute. Mais tu as gagné. Cependant, pendant que vous vous battiez, j'ai perdu la vie suite aux blessures importantes qu'il m'avait infligé. C'est alors que tu t'es penché vers moi, le visage inondé de larmes que j'aurais tant souhaité t'effacer d'un baiser. Et tu l'as fait. Tu as prononcé ces mots interdits en tenant fermement ma main dans la tienne. Tu savais ce qui allait arriver en faisant ça, mais tu l'as tout de même fait.
L’inconvénient dans notre relation, c'était ton péché. La mort. Car elle t'a offert le plus terrible des pouvoirs. Tu pouvais prendre la vie des autres, mais s'il te fallait la redonner à quelqu'un, celle que tu devrais donner en échange, c'était la tienne. C'est pour cette raison que ton frère voulait que je parte loin de toi. Il savait comme ma vie était dangereuse, par ma situation familiale si complexe étant donné que je vivais dans un milieu de yakuza. La mort me guettait de près. Et comme si ça ne suffisait pas, j'étais atteint d'un cancer aux poumons. Toi tu ne le savais pas, mais lui le savait, ça, et qu'il ne me restait plus très longtemps pour vivre. Ce temps, je voulais le passer à tes côtés. Mais les choses ont mal tourné.

Je t'appelle. Encore. Encore et encore. Mais tu ne me réponds pas. Tes lèvres violacées sont peintes d'un doux sourire. Car tu savais que j'allais vivre. Grâce à toi je n'ai plus de problème de santé. Mais tu n'es plus là pour vivre à mes côtés. A quoi bon vivre si tu n'es plus là ? C'est ce que j'ai pensé en premier. Puis je me suis juré de ne pas gâcher inutilement la vie que tu m'avais offerte. Ta vie. Je la vivrais pleinement, pour que tu sois fier de moi, que tu sois heureux, et jamais triste. J'ai déposé un dernier baiser sur tes lèvres avant de me lever, de m'essuyer les yeux emplis de larmes, et d'un pas déterminé je quittais votre demeure sans un regard en arrière. Tout était terminé maintenant.
Ma famille a mal réagit en me voyant rentré tâché de sang et mes vêtements en lambeaux. Mais ce n'était pas important, car je les quittais. J'étais majeur après tout, ils n'avaient plus aucun pouvoir sur moi, autre que celui de me tuer si l'envie les prenait. Je les regardais tous avec dégoût et supériorité car peu importe ce que je pouvais faire, j'étais du péché de l'orgueil. Du jour au lendemain, je disparus. Toutes mes affaires avec moi, je venais de prendre l'avion. Je quittais ma ville, Shibuya, je quittais mon pays, le Japon, je quittais mon ancienne vie, celle de Tetsuya Shibuya, pour prendre un nouveau départ à Deadly Sins en tant qu'écrivain.